Le casse-tête de la vente à emporter
19 octobre 2017
Le développement de la vente à emporter dans la restauration pose de nouveaux défis en matière de recyclage — Thomas Samson AFP

Des emballages en tous genres, une serviette, voire plusieurs, des couverts, souvent dans un plastique, un sac pour contenir le tout… Avec l’engouement des Français pour la restauration à emporter, les déchets s’accumulent, casse-tête auquel tente de répondre l’interdiction de la vaisselle jetable en plastique.

Fast-foods, mais aussi sandwicheries, bars à salades… selon le cabinet spécialisé Gira Conseil, la «vente au comptoir» – 113% de croissance ces neuf dernières années! – dépasse désormais en chiffre d’affaires le service à table, avec quelques cinq milliards de «prestations/repas» par an. Et autant de petites cuillères ?

Pour les seuls emballages (hors vaisselle), on parle de 100.000 à 200.000 tonnes annuelles, selon l’Agence de l’environnement (Ademe) et Eco-Emballages, qui mènent actuellement une étude pour mieux cerner ce «gisement nouveau», qui finit dans la poubelle sur le trottoir ou dans celle du bureau, échappant en grande partie au recyclage.

Quant à la vaisselle jetable, qui en France n’est pas soumise à l’«éco-contribution» et n’entre pas dans le tri ménager, «on est dans le trou noir de la gestion des déchets», note le député (LREM) François-Michel Lambert, auteur de l’amendement voté le 14 octobre à l’Assemblée nationale interdisant à horizon 2020 la vaisselle jetable en plastique non recyclable.

L’élu prône des alternatives compostables à base végétale, qui disparaissent en deux ans si elles échouent dans la nature, pas en 100. Mais qui doivent s’accompagner d’un essor du tri de matières organiques.

«Un jour, un doctorant fera sa thèse sur cette période hallucinante où on recourait à du pétrole pour produire une assiette utilisée 10 minutes !», prédit le parlementaire, qui pointe une dérive des habitudes : «Il y a 35 ans à la foire, on me donnait un Sopalin avec ma gaufre. Aujourd’hui, on me tend deux assiettes et une cuillère… La vaisselle jetable, on fait comme si elle était gratuite».

Du côté des professionnels du secteur, l’interdiction, qui doit encore passer par le Sénat, laisse perplexe.

«Ca va un peu vite. En période de récession, nos marges sont faibles», souligne Dominique Bénézet, du Syndicat de l’Alimentation et restauration rapide (Snarr).

Le Snarr annonce en revanche une convention avec l’Association des maires de France pour installer des points de tri dans les restaurants. A décliner localement sur la base du volontariat.

– un dessert contre dix sacs –

A San Francisco, l’objectif «zéro déchet» incinéré ou en décharge en 2020, a dû passer aussi par les restaurateurs. Et la contrainte : dès 2007, la ville leur a interdit le polystyrène et imposé l’usage de contenants compostables ou recyclables, sous peine d’amendes.

Au pays du «take-out», des bénévoles sont allés voir «tous les commerces», indique Steven Chiv, du service Environnement de la ville. Du conseil en solutions alternatives, des incitations fiscales sur le tri s’ajoutent au dispositif. Il y a eu au total moins de 100 contrevenants, selon M. Chiv : «et nous avons vu disparaître des cafés les tasses en polystyrène».

Mais bien avant les déchets, c’est à la source qu’il faut s’attaquer, insistent des acteurs comme l’association «Zero Waste France».

Limiter et réutiliser, «c’est la vraie problématique. Le recyclage n’est pas une panacée, et rajoute toujours de la matière première», dit Laura Caniot, qui anime un groupe de travail sur le retour de la consigne, dont les conclusions sont attendues en juin au ministère de l’Ecologie.

L’ONG s’apprête aussi à lancer une campagne de sensibilisation des consommateurs et commerces de bouche pour «emballer durablement».

Car il y a bien un frémissement. Si la chaîne Boco ne consigne plus ses bocaux en verre, évoquant une «contrainte» pour ses clients, Starbucks lance son gobelet réutilisable, avec ristourne sur le café.

Au «Bar à soupes», près de la Bastille, la plupart des clients ont «du mal à laver leurs pots», mais «ils jouent le jeu» quand il s’agit de ramener dix sacs intacts contre un dessert, raconte la patronne, Catherine Bley. «Pour les couverts, à chaque fois je demande, et certains bureaux me disent +ça y est on s’est équipé+. Il faut tout le temps le dire, insister».

Article original http://www.20minutes.fr/planete/1468090-20141025-dechets-emballage-a-poubelle-casse-tete-vente-a-emporter

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